Un F4 turc |
Pour ceux qui ne veulent pas lire une relation complète des évènements, l'affaire peut facilement être résumée: Encouragé par les Etats-Unis et accessoirement par leurs vassaux saoudiens et qatariotes, Ankara s'est facilement laissé convaincre d'aller tester l'efficacité de la défense anti-aérienne syrienne à l'aide d'un vieux F4 Phantom - un appareil hors d'âge quoique sans doute "retrofité". Rappelons ici que la Turquie n'a jamais perdu de vue ses velléités expansionnistes en Syrie et en Irak et ses dirigeants ont peut-être vu là un rôle qui leur permettrait à terme de remettre la main sur leurs anciennes colonies ottomanes.
A cette aune, que la Turquie serve de base avancée aux opérations de subversion du Proche-orient, rien de bien nouveau, ni de bien original. Cette opération se situait finalement dans le droit fil des précédentes, et notamment de celles par lesquelles la CIA transfère des armes aux islamistes syriens à partir du territoire turc. On ne peut d'ailleurs que rester rêveur devant la candeur des stratèges américains qui, selon le New York Times, "espèrent en apprendre plus sur les réseaux grandissants et changeants de l'opposition en Syrie afin d'établir de nouveau lien". A croire que l'expérience avec des "combattants de la liberté" qu'étaient les Talibans en Afghanistan n'a rien appris aux dirigeants Etats-Uniens.
Bref, voilà donc le F4 turc parti taquiner les systèmes de défense anti-aérienne récemment installés par les Russes dans le nord de la Syrie, histoire de montrer une fois de plus ses biscotteaux et de démontrer accessoirement l'impuissance d'un régime syrien prétendument aux abois. Hélas, avec le F4 abattu, ce sont aussi les rêves de puissance ottomane caressés par Davutoglu qui sont à nouveau venus se casser les dents sur la dure réalité des faits, celle selon laquelle la Turquie n'était finalement qu'un tigre de papier.
Stupeur (et tremblements !) du côté des va-t-en-guerre d'Ankara. Une stupeur qui explique sans doute le ton modéré très inhabituel avec lequel la machine à propagande turque a initialement accueilli la nouvelle. Ainsi, le président Abdullah Gül a doucereusement concédé le lendemain de l'opération que le F4 "avait pu divaguer dans l'espace aérien syrien" mais qu'une telle action n'était pas "malintentionnée" (sic). Même ton conciliant de la part du Ministre des Affaires Etrangères, le cérébral Davutoglu qui annonçait que son pays "allait prendre des mesures" mais qu'il "n'agirait pas impulsivement", histoire sans doute de gagner du temps et de fourbir ses armes diplomatiques et communicationnelles.
Et ça n'a pas tardé; dès le lendemain, changement de registre et changement d'acteur: exit le souriant Gül, exit le conciliant Davutoglu, rentre en scène le terrible Erdogan à la moustache sourcilleuse (si j'ose dire). Et là, plus question de violation de l'espace aérien syrien, plus question de problème technique, plus question de transiger. Pour M. Erdogan, la Turquie est dans son bon droit puisque c'est la Turquie. Ainsi, dans un surprenant renversement des rôles, le matamore d'Anatolie avertit que "l'armée turque répondra à toute violation syrienne" (re-sic). Et, sans doute emporté par son élan, M. Erdogan indique à ceux auxquels cela aurait échappé que "chacun doit comprendre que la colère de la Turquie est aussi juste que forte et destructrice". Dans le même temps, alors que des colonnes de blindés turcs font route vers la frontière syrienne, la machine à mensonges s'emballe et la twittosphère s'inonde littéralement de messages selon lesquels le F4 abattu survolait alors les eaux internationale. Que ceci soit manifestement faux et même remis en cause par les alliés américains constitue bien sûr le moindre des soucis de ladite machine.
Il faut dire qu'entre-temps, Ankara est allé pleurer auprès de l'Otan avec l'espoir de mobiliser ses puissants alliés autour d'elle. Malheureusement, elle a sans doute dû déchanter puisque elle a dû se contenter d'invoquer l'article 4 du Traité de l'Atlantique Nord et non pas de recourir à l'article 5 autrement plus engageant. Rappelons que l'article 4 prévoit une consultation "chaque fois que l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties est menacée" tandis que l'article 5, clause de défense collective, prévoit que si un allié est victime d'une attaque armée, chacun des autres membres la considérera comme une attaque armée contre l'ensemble des membres. On imagine notamment que le secrétaire général de l'Otan, Andreas Fogh Rassmussen, dont la nomination avait été vigoureusement combattue par Ankara en raison des caricature danoises de Mahomet, n'a pas dû bouder son plaisir d'envoyer paître les islamistes du gouvernement AKP.
Il faut donc comprendre la logorrhée turque sur la question du F4 abattu comme relevant d'une réaction de dépit: A défaut de pouvoir tirer des pruneaux sur la Syrie, Ankara tire des communiqués de presse emphatiques et guerriers.
Pendant ce temps-là, au Kurdistan
Dans le même temps, ce parangon de vertu joue une toute autre partition en Irak Là-bas, à Kandil, à Metin, à Xinere, les pilotes de F16 turcs bombardent à tout-va et terrorisent la population avec la même impavidité que leurs collègues syriens. Mais, alors que la presse occidentale rapporte les noms, prénoms, âges, voire groupes sanguins et numéro de permis de conduire, des victimes d'Assad, elle reste curieusement laconique sur celles d'Erdogan pour se contenter de faire sienne la fierté des communiqués officiels turcs rapportant que "les avions sont retournés sans encombre à leurs bases en Turquie après avoir accompli leur mission avec succès". Magie de la communication: quand la Turquie fait des victimes, celles-ci sont désincarnées, virtuelles, déshumanisées.
Attention ! un Etat voyou peut en cacher un autre ....
A cette aune, que la Turquie serve de base avancée aux opérations de subversion du Proche-orient, rien de bien nouveau, ni de bien original. Cette opération se situait finalement dans le droit fil des précédentes, et notamment de celles par lesquelles la CIA transfère des armes aux islamistes syriens à partir du territoire turc. On ne peut d'ailleurs que rester rêveur devant la candeur des stratèges américains qui, selon le New York Times, "espèrent en apprendre plus sur les réseaux grandissants et changeants de l'opposition en Syrie afin d'établir de nouveau lien". A croire que l'expérience avec des "combattants de la liberté" qu'étaient les Talibans en Afghanistan n'a rien appris aux dirigeants Etats-Uniens.
Bref, voilà donc le F4 turc parti taquiner les systèmes de défense anti-aérienne récemment installés par les Russes dans le nord de la Syrie, histoire de montrer une fois de plus ses biscotteaux et de démontrer accessoirement l'impuissance d'un régime syrien prétendument aux abois. Hélas, avec le F4 abattu, ce sont aussi les rêves de puissance ottomane caressés par Davutoglu qui sont à nouveau venus se casser les dents sur la dure réalité des faits, celle selon laquelle la Turquie n'était finalement qu'un tigre de papier.
Stupeur (et tremblements !) du côté des va-t-en-guerre d'Ankara. Une stupeur qui explique sans doute le ton modéré très inhabituel avec lequel la machine à propagande turque a initialement accueilli la nouvelle. Ainsi, le président Abdullah Gül a doucereusement concédé le lendemain de l'opération que le F4 "avait pu divaguer dans l'espace aérien syrien" mais qu'une telle action n'était pas "malintentionnée" (sic). Même ton conciliant de la part du Ministre des Affaires Etrangères, le cérébral Davutoglu qui annonçait que son pays "allait prendre des mesures" mais qu'il "n'agirait pas impulsivement", histoire sans doute de gagner du temps et de fourbir ses armes diplomatiques et communicationnelles.
Et ça n'a pas tardé; dès le lendemain, changement de registre et changement d'acteur: exit le souriant Gül, exit le conciliant Davutoglu, rentre en scène le terrible Erdogan à la moustache sourcilleuse (si j'ose dire). Et là, plus question de violation de l'espace aérien syrien, plus question de problème technique, plus question de transiger. Pour M. Erdogan, la Turquie est dans son bon droit puisque c'est la Turquie. Ainsi, dans un surprenant renversement des rôles, le matamore d'Anatolie avertit que "l'armée turque répondra à toute violation syrienne" (re-sic). Et, sans doute emporté par son élan, M. Erdogan indique à ceux auxquels cela aurait échappé que "chacun doit comprendre que la colère de la Turquie est aussi juste que forte et destructrice". Dans le même temps, alors que des colonnes de blindés turcs font route vers la frontière syrienne, la machine à mensonges s'emballe et la twittosphère s'inonde littéralement de messages selon lesquels le F4 abattu survolait alors les eaux internationale. Que ceci soit manifestement faux et même remis en cause par les alliés américains constitue bien sûr le moindre des soucis de ladite machine.
Il faut dire qu'entre-temps, Ankara est allé pleurer auprès de l'Otan avec l'espoir de mobiliser ses puissants alliés autour d'elle. Malheureusement, elle a sans doute dû déchanter puisque elle a dû se contenter d'invoquer l'article 4 du Traité de l'Atlantique Nord et non pas de recourir à l'article 5 autrement plus engageant. Rappelons que l'article 4 prévoit une consultation "chaque fois que l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou la sécurité de l'une des parties est menacée" tandis que l'article 5, clause de défense collective, prévoit que si un allié est victime d'une attaque armée, chacun des autres membres la considérera comme une attaque armée contre l'ensemble des membres. On imagine notamment que le secrétaire général de l'Otan, Andreas Fogh Rassmussen, dont la nomination avait été vigoureusement combattue par Ankara en raison des caricature danoises de Mahomet, n'a pas dû bouder son plaisir d'envoyer paître les islamistes du gouvernement AKP.
Il faut donc comprendre la logorrhée turque sur la question du F4 abattu comme relevant d'une réaction de dépit: A défaut de pouvoir tirer des pruneaux sur la Syrie, Ankara tire des communiqués de presse emphatiques et guerriers.
Pendant ce temps-là, au Kurdistan
Dans le même temps, ce parangon de vertu joue une toute autre partition en Irak Là-bas, à Kandil, à Metin, à Xinere, les pilotes de F16 turcs bombardent à tout-va et terrorisent la population avec la même impavidité que leurs collègues syriens. Mais, alors que la presse occidentale rapporte les noms, prénoms, âges, voire groupes sanguins et numéro de permis de conduire, des victimes d'Assad, elle reste curieusement laconique sur celles d'Erdogan pour se contenter de faire sienne la fierté des communiqués officiels turcs rapportant que "les avions sont retournés sans encombre à leurs bases en Turquie après avoir accompli leur mission avec succès". Magie de la communication: quand la Turquie fait des victimes, celles-ci sont désincarnées, virtuelles, déshumanisées.
Attention ! un Etat voyou peut en cacher un autre ....
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