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Paul Krugman : l'Euro est crevé

Paul Krugman
La version originale de cet article a été écrite par Paul Krugman pour le New York Times le 22 juin 2012. Prix Nobel d'économie 2008, Paul Krugman est un néo-keynésien dont la pensée se distingue généralement du discours libéral dominant.

Encore une contribution limitée aujourd'hui. Mais j'ai pensé qu'il était nécessaire de poster quelque chose sur un point qui m'a étonné. 

En regardant la pagaille européenne, nous avons fortement tendance à penser qu'elle doit beaucoup aux disparités fondamentales de productivité et de développement global entre membres de la zone euro où des pays arriérés ou semi-développés, comme la Grèce ou le Portugal (ce n'est pas mon opinion mais vous l'entendez souvent) sont maladroitement liés à des puissances comme l'Allemagne.


En conséquence, ce fut comme un choc pour moi d'examiner les données d'Eurostat sur le PIB par personne (ou la productivité ce qui donne le même résultat). Bien sûr, la Grèce ou le Portugal sont relativement pauvres avec des PIB par tête de respectivement 82% et 77% de la moyenne européenne. Ce qui, pour chacun, représente à peu près 76% et 71% de la moyenne de la zone euro, dans la mesure où les pays de la zone euro sont un peu plus riches que ceux de l'Union européenne prise globalement .Dans le même temps, l'Allemagne se situe à 120% du PIB par tête de l'UE, soit 112% de celui de la zone euro.

Mais, vraiment, ce n'est pas très différent de la situation américaine (regarder la colonne 'GDP per capita'). L'Alabama est à 74% de la moyenne fédérale, le Mississippi à 67% alors que la Nouvelle-Angleterre et les Etats intermédiaires de la côte Est sont à 118% et 116%.

En d'autres mots, dans la mesure où les inégalités économiques sous-jacentes sont en cause, la zone euro n'est pas pire que les Etats-Unis.

La différence, principalement, est nous nous concevons comme une nation et que nous acceptons allègrement des mesures fiscales qui transfèrent  régulièrement de larges sommes aux Etats les plus pauvres sans même penser à cela en termes de questions régionales - en fait, les Etats qui sont effectivement sur le carreau ont tendance à voter républicain et à s'imaginer profondément autonomes.

Le fait est que nous ne nous sommes pas toujours pensés comme une nation. Avant la guerre de sécession, les gens parlaient de "ces Etats Unis". C'est seulement après la guerre que "ces" sont devenus "les" (*)

En conclusion, les clés du succès de la zone dollar peuvent se résumer en trois mots: William Tecumseh Sherman.(**)


 (*) NdT: en fait on dit aujourd'hui "the United States is ..." alors qu'avant la guerre de sécession les gens disaient "the United States are...". Le passage du pluriel au singulier marquant la prise de conscience de la nature indivisible des Etat-Unis].


(**) NdT: le général Sherman est l'un des vainqueurs "nordistes" de la guerre de Sécession. L'auteur lui attribue ici le mérite de l'unification des Etats-Unis et, ipso facto, de la solidarité des différents Etats de la zone dollar  que sont les Etats-Unis.

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