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L'Etat négationniste et ses relais français

La récente adoption par le Sénat de la loi "visant à pénaliser la négation des génocides reconnus par la loi" a d'ores et déjà eu plus de mérites qu'on ne le pense. Par exemple, dans les minutes - oui, j'écris bien les minutes - qui ont suivi le vote, trois sites Internet  notoirement négationnistes [dont je ne mentionnerai délibérément pas l'adresse] se sont sabordés en rendant leur contenu indisponible. Sans compter l'ineffable Turquie-News qui, après avoir grossièrement tenté de faire croire à une attaque de "hackers arméniens", lance maintenant de pathétiques appels à l'aide et aux soutiens financiers comme si la loi, bien qu'encore non promulguée, l’empêchait d'ores et déjà de diffuser ses appels à la haine.

Un autre avantage de la loi est d'avoir fait sortir du bois tout ce que l'Internationale négationniste compte de dévoués collaborateurs et de sympathiques soutiens. On trouvera ci-dessous quelques-unes des lettres les plus édifiantes reçues par nos députés et sénateurs, voire par le Président de la République. On notera en particulier la bonne grosse lettre envoyée par l'Ambassadeur de Turquie expliquant benoîtement à nos parlementaires ce qu'ils devaient maintenant faire. Merci Ankara; nul doute que nos élus apprécieront à  sa juste valeur cette grossière ingérence.



Mais la plus intéressante de ces missives est sans conteste celle envoyée par l'Institut du Bosphore. Le nom sonne chic et laisse croire à un organisme scientifique de haute tenue. Il n'y a bien que le nom d'ailleurs, puisque ladite lettre, bien que signée par Kemal Dervis et Henri de Castries au nom d'un prétendu "Comité scientifique", a l'honnêteté de préciser en pied-de-page que cet institut est un "cercle de réflexion franco-turc créé en 2009 à l’initiative de la TUSIAD, l’association des industries et des entreprises de Turquie, l’Institut du Bosphore est une organisation indépendante rassemblant des personnalités françaises et turques de haut niveau et issues d’horizons divers – hommes politiques, entrepreneurs, économistes,experts et intellectuels. L’Institut du Bosphore aborde des sujets géopolitiques, économiques, sociétaux et culturels afin de faciliter la réflexion en commun des Français et des Turcs sur l’Europe et le monde actuel." Autrement dit, un beau lobby au service des intérêts d'Ankara.

Penchons-nous maintenant deux secondes sur les "personnalités françaises et turques de haut niveau et issues d’horizons divers" qui peuplent l'Institut du Bosphore. Côté turc, c'est sans surprise, on y trouve des responsables paragouvernementaux de premier ou de second plan, tel par exemple Kemal Dervis, ancien ministre et gouverneur du FMI, Umit Boyner, la présidente de la TUSIAD - le patronat turc - Arzuhan Dogan Yalcindag, représentant le groupe Dogan, Mustafa Koc, représentant la holding éponyme ou Bahadir Kaleagasi, le Président actuel de l'Institut du Bosphore qui était précédemment le lobbyiste du même TUSIAD à Bruxelles. Egarées parmi eux, quelques cautions plus ou moins scientifiques tels Nilufer Göle, sociologue ou Nedim Gürsel, l'écrivain bien connu. 

Côté français, c'est encore plus intéressant. Le moins que l'on puisse dire est que l'Institut du Bosphore ne craint pas le mélange des genres. Le "comité scientifique" est constitué d'un aréopage bigarré dont les membres ont pour point commun - étonnant non ? - de s'être pour la plupart prononcés avec constance et ténacité pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Et re-surprise, on découvre que beaucoup d'entre eux ont pris la plume pour tenter de contrer la loi pénalisant la négation des génocides ou se sont précédemment exprimés contre ce type de loi : les publicistes Alexandre Adler et Bernard Guetta, le "meilleur d'entre nous" Alain Juppé, l'ambassadeur des Pôles Michel Rocard, la sénatrice Catherine Tasca ou le constitutionnaliste Guy Carcassonne sont de ceux-là. Sans parler de l'historien Gilles Veinstein dont un article fameux publié par le magazine l'Histoire restera dans les annales du négationnisme. Voilà au moins qui rassurera sur l'objectivité de ces "personnalités de haut niveau" dont les oppositions à la loi étaient sans nul doute uniquement motivées par le souci de la liberté d'expression et des considérations de droit constitutionnel.

Mais le cas le plus intéressant est très certainement celui du signataire français de la lettre, M. Henri de Castries. M. de Castries est d'après Wikipédia le 10ème patron le mieux payé de France et il est le Président d'AXA. AXA, ça ne vous dit rien ? Mais si, voyons, AXA, c'est cette compagnie d'assurance qui fut attaquée en justice pour la spoliation des ayants-droits des victimes du génocide des Arméniens dont elle avait indûment conservé et fait fructifier les polices d'assurance-vie. Aux termes d'un procès mémorable AXA fut condamné à verser 17,5 millions de dollars à ces ayants-droits. Et AXA, c'est encore cette société qui est très (trop ?) présente sur le marché turc et qui - de ce fait - fut à l'origine de la saison de la Turquie en France, une saison dans laquelle Henri de Castries semble avoir joué un rôle prépondérant.

Dans ces conditions, des esprits chagrins pourraient subodorer que la tolérance, voire l'encouragement, actuel au négationnisme de l'Etat turc ait quelque lien avec la volonté d'absoudre ou de faire oublier les spoliations et les complicités passées. Heureusement, en apprenant qu'AXA s'était doté d'une éthique d'entreprise et d'un comité du même nom, j'ai bien vite compris l'inanité de tels soupçons...

Commentaires

Anonyme a dit…
Quelle honte, ce véritable lobby négationniste. La Turquie ne perd elle pas à dépenser des millions pour soutenir un négationnisme d’État? Ne ferait-elle pas mieux de reconnaître une bonne fois pour toute ce génocide et crever l'abcès qui ronge toute cette société?
Anonyme a dit…
BONJOUR BRUXELLES

POURQUOI AU TANT DE HAINE VERS LES TURCS
Anonyme a dit…
Ces gens qui sont payés par la Turquie pour nier le génocide des Arméniens reçoivent en vérité l'argent maculé de sang des victimes de ce génocide.
Anonyme a dit…
Vous pouvez donner les 3 sites sabordés dans les commentaires au moins svp ?
Désolé de vous décevoir mais je ne le ferai pas. La haine raciale dont procède le négationnisme n'a vraiment pas besoin de publicité.

C'est pourquoi j'ai choisi de ne pas publier un commentaire précédent mentionnant l'un de ces sites.
NERSET Jean-Jacques a dit…
Edifiant. C'est vraiment la nausée. Sans compter que certainement parmi ces gens beaucoup sont stipendiés par l'état turc. L'excellent film SCREAMERS mettait en exergue la corruption des hommes politiques américains par les turcs.Nous y sommes. Et tous ces hommes politiques et ces journalistes français donnent des leçons de démocratie. La nausée, oui une véritable nausée. ça pue.Assez de cette pourriture.Boycottons Axa
Anonyme a dit…
Comment peut-on comme ces gens se prévaloir d'être des consciences, de faire l'opinion avec un tel mépris des gens et de la justice.

Talaat, tu as des enfants
Anonyme a dit…
La marche vers l'Ararat se longue, très longue. Au rythme ou va se developper l'armenophobie en europe et dans le reste du monde, j'affirme que les arméniens seront les juifs du prochain millénaire.

S'il leur a fallu 2000 ans pour retourner sur leurs terres d'origine, il y a fort a parier qu'il en faudra au moins autant aux arméniens.

Mais cela se fera...
Unknown a dit…
Eric Scott :

les Arméniens ont une terre , ils ne sont éparpilles dans le monde que depuis le génocide,soit depuis 100 ans .
La Turquie sera bien sur le dernier état à reconnaitre ce génocide ,la honte pour les USA qui seront sans doute les avants derniers .J 'ai une pensée particulière pour Israël qui est dans le mème cas : la réal polotik leur fait oublier leur devoir d'anciennes victimes genocidées et les place en position de de complice des bourreaux.quelle lâcheté!
Soghomon telirian n'eu besoin de personne pour executér Talaat pacha ...