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Arménie / Turquie : l'ouverture de la frontière pour septembre ?

Selon un article publié ce jour par le quotidien Taraf , le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan aurait donné des instructions pour que soit ouverte en septembre la frontière avec l'Arménie. Selon le journaliste Hüseyin Ozay, après deux années de travaux, le poste frontière turc d'Alican serait remis en service en direction de Margara en Arménie, une bourgade située à une trentaine de kilomètre de Erevan la capitale. L'article ne précise pas si l'autre poste-frontière entre les deux pays, situé plus au nord, sera également réouvert.



Si cette information devait être confirmée, elle entérinerait le changement de stratégie de la Turquie à l'approche du centenaire du Génocide des Arméniens, un centenaire qui sera commémoré le 24 avril 2015. 

L'ouverture de la frontière interviendrait ainsi cinq mois après les "condoléances" exprimées par Erdogan à l'occasion du 99ème anniversaire du Génocide, le 24 avril 2014. Ces condoléances avaient été accueillies avec amertume et circonspection par les Arméniens dispersés à travers le monde dans la mesure où, passé le mot de "condoléances", le message d'Erdogan ne constitue pas une reconnaissance du génocide, encore moins une demande de pardon, et réaffirme pour l'essentiel la position négationniste de son Etat. 


La nouvelle stratégie turque se précise donc et consiste, comme plusieurs éléments le laissait pressentir, à "parvenir à une espèce de tolérance sociétale de l’affirmation du génocide sans que cela n’implique aucune reconnaissance politique de la part de l’Etat et a fortiori aucune conséquence en terme moral, financier ou territorial." Le corrélat de cette position en termes de relations internationales est la normalisation des relations avec l'Arménie "comme si rien ne s'était passé", ni du début du 20ème siècle, ni depuis l'indépendance retrouvée de l'Arménie.

Alican en Arménie occidentale (Turquie).
Au-delà, la République dl'Arménie

La victime collatérale potentielle de ce réchauffement serait l'Azerbaïdjan et c'est d'ailleurs sans doute de là que proviendront les tentatives les plus insistantes visant à faire dérailler le processus. Bakou perdrait effet l'un de ses rares alliés dans le conflit qui l'oppose à la république du Haut-Karabagh soutenue par l'Arménie. D'ailleurs, l'Azerbaïdjan a toujours tout fait pour que les dirigeants turcs conditionnent l'ouverture de la frontière avec l'Arménie à la recolonisation par Bakou du Haut-Karabagh.

Restent deux autres éléments impondérables dont les évolutions respectives peuvent encore modifier sérieusement le cours des événements. D'une part, n'oublions pas que c'est désormais le candidat Erdogan qui parle et il est très possible que ce type de fuite ne soit dû qu'à des considérations tactiques qu'il sera opportun d'oublier une fois élu. D'autre part, l'Arménie est actuellement en cours de négociations pour intégrer l'Union eurasiatique pilotée par la Russie. Dans ce contexte, il est sans doute trop tôt pour dire comment les deux processus interféreront et notamment pour apprécier si l'annonce d'Erdogan n'est qu'une manœuvre destinée à amoindrir la mainmise de Moscou sur tous le Caucase.

[Mise à jour - 04/07/2014 14h44 - Le Ministère turc des Affaires Etrangères vient de démentir l'information de Taraf auprès d'une agence de presse azérie. Ceci ne prouve pas grand chose mais illustre surtout ce que j' écris ci-dessus à propos des pressions de Bakou]

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